Chris "magic" Waddle
Chris Waddle ou plutôt Chris « Magic » Waddle. A l’instar d’Earvin « Magic » Johnson ou d’Ayrton « Magic » Senna, seules les véritables légendes sont affublées de ce surnom. Ceux qui font venir les spectateurs au stade, qui font se lever les foules, qui procurent des émotions éternelles, ceux qui par leurs gestes donnent envie aux enfants de suivre leurs traces.
Christopher Ronald Waddle, né le 14 décembre 1960 et qui fête donc aujourd’hui son 64e anniversaire, fait partie de ce cercle fermé des grands sportifs, des légendes qui ont écrit les plus belles pages de leur sport.
Chris Waddle sous le maillot de l’OM, c’est 140 matchs, 27 buts mais aussi et surtout des gestes, des dribbles, des facéties, des mimiques sur et en dehors du terrain qui font de lui un joueur inoubliable pour ceux qui ont eu la chance de le voir jouer en vrai ou à la télévision.
Mais avant que le conte de fées entre cet Anglais, l’OM et ses supporters ne débute, il y a eu un temps d’adaptation. Une période, pas forcément évidente, nécessaire à tous les joueurs surtout ceux venant de l’étranger, ce qui, à l’époque, était moins courant qu’aujourd’hui.
Eté 1989, Chris Waddle débarque à Marseille avec l’étiquette de plus gros transfert français et le troisième plus gros de tous les temps à l’époque, derrière Diego Maradona et Ruud Gullit ! Mais ce ne sont pas les millions de francs dépensés qui vont marquer l’esprit de l’Anglais. «Quand je suis arrivé à Marseille, la première chose qui m’a frappé, c’est la chaleur. C’est pourquoi certains coéquipiers m’appelaient le rosbif. Et j’avais deux semaines de préparation de retard, ce qui n’a pas aidé.»
«En plein mois de juillet, je me vois débarquer un joli poulet bien blanc sous 35 degrés. Je rencontre alors le joueur, qui ne parlait pas du tout français, et on va s’entraîner. Au bout de 25 minutes on aurait dit un extincteur», se souvient Gérard Gili, son premier coach en France. «Tous les soirs Bernard Tapie m’appelait pour savoir comment il avait été à l’entraînement du jour et je lui disais qu’il était comme la veille, qu’il avait du mal à s’acclimater et que c’était dû à son petit excès de poids et à la chaleur, il n’était pas du tout habitué à ça.»
Les premières semaines sont difficiles pour Chris Waddle. Seul, à l’hôtel, ne parlant pas le français et pas à 100% physiquement. «Ma femme et ma fille me manquaient et pour couronner le tout, la presse disait que je n’étais pas assez bon.»
Pourtant, ses débuts ne sont pas catastrophiques mais on attendait plus, vu la somme dépensée pour s’attacher ses services. Il marque un but à Toulouse pour son troisième match, mais l’OM s’incline dans la ville rose (2-1). Puis plus rien pendant près de deux mois et huit matchs avant un nouveau but, toujours à l’extérieur lors d’un sulfureux derby à Toulon remporté 4-0 par les Marseillais.
Au fil des jours, Chris Waddle se sent de mieux en mieux dans cette équipe. Cependant, recruté comme deuxième attaquant, en soutien de Jean-Pierre Papin, il n’est pas à l’aise. Son coach Gérard Gili et une discussion entre les deux hommes vont tout changer. L’entraîneur de l’OM dit à l’Anglais qu’il ne pense qu’il a les qualités pour évoluer dans l’axe en attaque. Il demande à l’Anglais de lui montrer sur un tableau là où il aimerait jouer. Waddle fait une croix sur le côté droit. «Après quelques matchs, je me sentais de mieux en mieux physiquement mais j’avais toujours un problème avec mon poste sur le terrain. Je jouais comme un N°10 dans l’axe mais je voulais jouer à droite. On en a parlé et Gili a accepté. Je me suis habitué à la chaleur et avec ma condition physique retrouvée, j’étais presque prêt.»
En parallèle, Chris Waddle quitte l’hôtel et va habiter chez Jean-Pierre Papin en attendant de trouver un toit. «Jean-Pierre Papin m’a proposé de venir habiter chez lui en attendant que ma femme et ma fille viennent vivre à Marseille. Cela a été d’une grande aide et je lui en suis reconnaissant. De plus, son anglais était bon… mais pas ses goûts musicaux.»
En une semaine tout s’accélère. Le joueur a trouvé une maison et sa famille le rejoint enfin dans une belle villa de la campagne aixoise. Bien dans son corps et dans sa tête, la machine peut enfin fonctionner à 100%... Et même plus. «Ma carrière a vraiment débuté quand je me suis installé, avec ma femme et ma fille, dans notre maison à Aix. C’était le lundi et nous jouions contre le PSG le vendredi.» Face aux Parisiens, il ouvre le score en effectuant un coup du sombrero sur le gardien adverse suivi d’une talonnade pour pousser le ballon au fond des filets. Unique !
Un but, son premier à domicile, dont tout le monde se souvient et qui marque le début de la love story entre Waddle et le public marseillais. «Entre le déménagement, le but, la condition physique, tout allait bien !»
La suite on la connaît. Et l’OM gardera toujours une place à part dans le cœur de Chris Waddle. «Quand je me retourne sur mes trois saisons à l’OM, c’est comme un rêve. Nous avions une équipe extraordinaire, les joueurs, le staff étaient fantastiques et les entraîneurs étaient efficaces et bienveillants. Le boss, Bernard Tapie, était un gagnant, dur mais bon. Et, ce qui est loin d’être négligeable, les supporters étaient incroyables. Leur soutien me gonflait à bloc, j’avais l’impression de mesurer 10 mètres de haut ! J’aimerai toujours l’OM.»
Gérard Gili : "C'était l'artiste de l'équipe"
Il est le premier entraîneur de l’époque Tapie à avoir remporter des trophées. Il est également le premier coach à avoir eu sous ses ordres Chris Waddle en France.
Son souvenir des débuts de Chris Waddle à l’OM est encore intact. «Avant son arrivée à Marseille, je ne connaissais pas Chris Waddle. Au départ Bernard Tapie m’appelle et me dit qu’il faut que je monte à Paris parce qu’il a des cassettes à me montrer. Donc j’y vais avec Jean-Pierre Bernès, on va dans son hôtel particulier et on commence à regarder les vidéos de Waddle à Tottenham qui jouait en tant que numéro 9, à la pointe de l’attaque. Je vois ce type un peu voûté, un peu lourd, pas particulièrement performant, c’était un joueur pas extraordinaire à ce poste et donc je fais part de cette réflexion à Bernard Tapie. De là ça part un peu en clash. Finalement on en reste là, je reviens à Marseille et plus tard dans la soirée le Président m’appelle pour me dire que, même si je ne suis pas en accord avec ce transfert, il va quand même acheter le joueur.
Donc Chris Waddle arrive à Marseille, en plein mois de juillet et je me vois débarquer un joli poulet bien blanc sous 35 degrés. Je rencontre alors le joueur, qui ne parlait pas du tout français, et on va s’entraîner. Au bout de 25 minutes on aurait dit un extincteur. En parallèle tous les soirs, Bernard Tapie m’appelait pour savoir comment il avait été à l’entraînement du jour et je lui disais qu’il était comme la veille, qu’il avait du mal à s’acclimater et que c’était dû à son petit excès de poids et à la chaleur. Il n’était pas du tout habitué à ça. Il a eu énormément de mal. À chaque entraînement on se demandait s’il fallait appeler le SAMU. Mais bon à la longue il a fini par s’y faire.
Et un jour on s’enferme tous les deux dans le vestiaire et je commence à lui dire que je ne suis pas sûr de pouvoir le faire jouer en tant qu’avant-centre parce que ses qualités ne correspondent pas à ce poste. Je lui demande où il aime évoluer et il me montre le côté droit du milieu de terrain. C’était fou, on l’avait recruté comme attaquant axial… Plus tard, je lui annonce que je vais le positionner à droite, pour le juger et le voir à l’œuvre dans cette position.
On a pris ce joueur pour jouer à un poste, mais finalement, il a eu le succès qu’il a eu à Marseille à un tout autre positionnement. Il est devenu ensuite le meilleur milieu droit du championnat de France et il a fait la suite de sa carrière sur ce côté. Le succès de Waddle est parti de là.
À la base il devait jouer aux côtés de Jean-Pierre Papin et puis on l’a mis sur un flanc et ça a été un des plus grands pourvoyeurs de ballons de but pour JPP. En plus Jean-Pierre avait été très sympa à l’époque de le prendre chez lui pour ne pas qu’il dorme seul à l’hôtel. Son acclimatation à Marseille s’est faite dans l’amitié et il a ensuite fait le parcours que l’on connaît, un joueur capable de faire des différences.
Après son repositionnement, il a trouvé sa place dans l’équipe, il a pris confiance et le public du Vélodrome est tombé sous son charme. Il a tout de suite senti qu’il y avait beaucoup d’amour pour lui et à partir de là il a été radieux dans cette équipe.
Sur le côté droit en tant que gaucher, il rentrait à l’intérieur et avec sa qualité de passe ça lui permettait de donner de bons ballons de but. À l’époque c’était un « faux pied », maintenant c’est devenu courant, mais si vous le regardiez jouer jamais il ne débordait la latéral en vitesse pure. Cependant quand il repiquait, avec sa qualité de dribble, il faisait des dégâts.
Il n’aimait pas défendre, mais à partir du moment où vous acceptez qu’il défende moins pour vous faire gagner le match quand il a le ballon et que vous arrivez à convaincre l’équipe de faire sa petite part défensive pour ne pas créer de déséquilibre, c’est bon. Quand on récupérait le ballon et qu’on arrivait à le transmettre à Waddle les adversaires étaient automatiquement en danger.
Au final, c’était un 10 excentré. C’était l’artiste de l’équipe. Il pouvait faire de grandes choses contre de grands adversaires, c’était un joueur de classe mondiale.»
Waddle - Boli : Les liens du son
Entre les deux joueurs, c’est une amitié qui dure depuis 30 ans. Et tout est parti de la musique…
Dès l'arrivée de Chris à l'OM, une amitié assez forte s’est créée entre vous ?
C’est la musique qui nous a rapprochés. Une fois on devait partir en déplacement en bus et il m’a demandé « c’est toi qui as enregistré ces cassettes ». À l’époque j’écoutais du Sting ou ce genre d’artistes anglo-saxons, que j’adorais et je pense que c’est parti de là.
Quand je suis arrivé chez lui j’ai vu des disques de musique qui me plaisaient, idem quand il est venu chez moi. Je m’étais fait un espace dédié à la musique parce qu’à l’époque j’étais à fond dedans. Ensuite on a commencé à rester ensemble. À la fin des matchs parce qu’on ne pouvait pas sortir, on allait dans sa voiture avec chacun 6 CD et on faisait un blind test. Pareil, à chaque fois qu’on mettait un pied dans le car du club on écoutait la radio et il fallait dire le plus rapidement possible le nom du groupe ou le chanteur, donc c’était un blind test quasi-permanent. Évidemment quand il y avait des chansons françaises je le battais mais c’était quand même difficile.
Forcément avec tout ça, on a commencé à s’apprécier, nos enfants avaient le même âge et puis on rigolait bien, on était tout le temps ensemble, sauf quand il fallait dormir dans la même chambre parce qu’il ronflait (rires). J’ai essayé une seule fois et après je n’ai plus voulu dormir avec lui.
Tu évoques la musique mais quand il a habité chez Jean-Pierre Papin, il a parlé du fait que tout était très bien chez lui, sauf ses goûts musicaux…
(Rires) Il écoutait quoi Jean-Pierre ? Du Gilbert Montagné !! Je rigole parce qu’il m’en avait parlé. Oui avec Chris, on n’écoutait pas du tout la même chose que JPP. Avec lui, il fallait par exemple trouver le chanteur de Genesis mais aussi tous les noms des membres du groupe… C’était assez pointu.
Gérard Gili a qualifié Chris d’artiste sur le terrain…
Ah oui c’était vraiment un artiste ! Il faisait parfois l’imbécile. Quand on montait sur corner il faisait des choses que l’on ne faisait pas à l’entraînement. Il mettait des centres très forts au premier poteau alors qu’il savait que Carlos ou moi, nous arrivions au deuxième poteau. Je lui disais justement d’arrêter un peu de tirer comme ça. Il me demandait « tu la veux comment ? Saignante ? À point ? Bien cuite ? » Que des absurdités comme ça.
Cela me une anecdote. On était en déplacement à Bordeaux et le coach n’était pas content parce qu’il faisait l’imbécile dans le tunnel avant d’entrer sur le terrain. Le coach lui dit : «Tu rigoles mais tu vas voir, aujourd’hui tu as un défenseur devant toi qui s’appelle Lizarazu». Finalement il a mis le bouillon à Liza pendant tout le match et il s’en rappelle encore aujourd’hui. Quand il dribblait Liza, il se retournait vers le coach et il comptait avec ses doigts le nombre de fois où il l’avait passé. Il était comme ça Chris, il ne faisait que des bêtises, c’était un vrai boute-en-train, mais sur le terrain était quand même concentré et très efficace.
Et pour revenir à la musique, vous avez fait un disque ensemble…
Justement, il y a un truc à propos de ce disque. La première fois que l’on devait l’enregistrer, on n’a pas pu le faire parce qu’on avait fait un barbecue avec nos épouses. Chris nous avait fait boire. Mais une fois en studio, nos voix partaient en cacahuète. Les gars du studio nous ont dit de revenir le lendemain. On est revenus et on a enregistré. En y repensant on a eu tellement de crises de rires parce qu’en fait il ne savait pas ce qu’il disait. Entre nous, un simple regard et ça pouvait partir à tout moment.
On a vraiment eu des grands moments exceptionnels de rigolade. C’était mon meilleur pote, avec Abedi aussi. Quand je n’étais pas là, il me cherchait et quand il n’était pas là, je le cherchais. Et puis c’était un vrai gentleman, il avait la main sur le cœur.